J’ai retrouvé mes cahiers d’adolescente. Intacts, quoiqu’un peu empoussiérés, dormant au creux d’un tiroir chez mes parents. Je les ai réveillés, et j’ai relu.
Les espoirs timides pour l’année 2008. « Avoir mon Brevet et ENFIN embrasser un garçon ! ».
Ça m’a fait sourire jusqu’aux oreilles. D’année en année, les résolutions changent, à l’âge où l’on ne s’arrête pas de grandir.
Car l’on ne s’arrête jamais de grandir. C’est ce que j’ai appris ces douze derniers mois, en me gorgeant comme une tique de toute littérature. En revenant à mes sources, en traquant ma vérité.
L’année 2015 a commencé dans un torrent de larmes, à l’étage d’une petite maison du Surrey en Angleterre. J’y étais arrivée deux semaines plus tôt, mes doutes en bandoulière, pour m’occuper de mômes turbulents mais adorables. Fuite en avant alors que, à peine diplômée dans un milieu qui m’avait déçue, je venais de quitter un emploi encore pire et dont la vacuité me pétrifiait.
Torrent de larmes, donc, face à un futur incertain et terrifiant. Mais des bouquins m’attendaient comme autant de bouées accueillantes, et je me suis jetée entre les pages, la tête la première, les mains dans les mots, assoiffée, avide, heureuse. Tout allait mieux.
En parallèle, je découvrais booktube et les blogs, et l’idée a germé de mon côté jusqu’à l’ouverture, en mars, de ce carré de pixels. Un exutoire online, la clé de voute de ma passion pour les mots. J’ai fouiné dans chaque bookshop, je me suis réfugiée entre les bibliothèques, et je m’y suis sentie bien.
La suite allait de soi : reprendre ses études, en Lettres, et apprendre. Toujours apprendre. Toujours se sentir toute petite face à la connaissance que l’on dévore avec appétit.
Voici donc ma seule résolution pour 2016 et les années à venir : apprendre. Peut-être lire plus de classiques. On verra.
Voyager au gré des mots aussi, comme je l’ai fait cette année :
Je me suis réveillée, en janvier, dans un campus américain théâtre de meurtres effrayants.
J’ai traversé les souvenirs d’un vieux professeur qui m’a parlé de respect, d’amitié et d’amour.
J’ai fait le trottoir par désespoir.
Brighton m’a offert sa pluie glacée et sa jeunesse sans avenir.
J’ai été au Canada, mi-homme mi-femme.
Il y a eu la douceur d’un chat, et puis sa perte.
J’ai pris des drogues (sûrement) et un ticket d’entrée pour le cirque de l’horreur.
Un deuxième chat, l’amour fou de son maître, la jalousie de la femme.
J’ai suivi la trace silencieuse d’un butler anglais, et ses souvenirs intacts d’un temps béni.
Je me suis gavée de beignets. De tomates vertes.
Puis j’ai embarqué avec le plus valeureux des pilotes, jusqu’aux abîmes de l’Atlantique.
Je me suis essayée à la youth attitude de Bret Easton Ellis. On ne m’y reprendra pas.
J’ai été pédophile un peu, amoureux surtout, et ça m’a plutôt plu.
Je suis allée perdre mon âme et ma fortune à Macau.
Puis j’ai tenté l’Amérique, dans la peau d’une femme Noire, juste d’une femme Noire, pas d’autre identité.
J’ai fricoté avec le chien libidineux des Molisse.
J’ai fait le tour de l’Angleterre en écoutant parler Bill, à qui j’ai vite dit au revoir.
Un piano et son joueur ont bercé mes voyages sur l’Atlantique.
J’ai fait le voyou à la Havane, c’était toujours mieux que de vendre des aspirateurs.
J’ai été une bouteille à la mer, et une longue lettre à travers le temps.
J’ai connu les dangers de la vanité.
Et ceux du nombrilisme avec Lena, ma bonne copine.
J’ai tenté l’Amérique, une deuxième fois. Et je t’ai raconté le Zimbabwe qui pleure.
J’ai tâté du XIXe siècle, et ça n’a pas bien marché.
Pour me consoler, je me suis retrouvée à Tokyo incolore, mais déterminée.
Et je me suis énervée contre la société à la con. Peut-être par amour.
J’ai humé l’air et fantasmé la senteur absolue.
J’ai vécu les années folles sur la côte d’azur comme une longue promenade ennuyeuse.
Je me suis placée face aux canons, ça m’a fendue en deux. Trop bête !
J’ai rassemblé mes deux moitiés pour un après-midi sur le Mékong, avec un amant, l’Amant.
J’ai couru les flots à la recherche d’un marin, celui de Gibraltar.
Et j’ai pêché. Du gros poisson, un ami, un frère.
Je me suis retrouvée shampooineuse, insignifiante, dans les yeux d’un jeune homme ambitieux.
J’ai vécu la guerre. Mal vécu la guerre.
J’ai fini au sanatorium, à attendre l’ombre de la Mort.
En ce moment, je suis en vadrouille du côté de l’Oregon, avec les Stampers. Chouette région !
j’adore la façon dont tu as écrit ton bilan! 😀
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Merci 🙂 ça m’aide aussi à récapituler une riche année !
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Très bel article qui m’a touchée. Je te souhaite de passer une magnifique année 2016 🙂
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Merci beaucoup ! Je te le souhaite également 🙂
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😀 merci également.
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Trop jolie cette façon d’écrire ton bilan, j’aime beaucoup ! La littérature, il n’y a que ça de vrai 😉
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Merci ! Je ne peux qu’approuver, heureusement que les livres sont là !
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Oui! Ils sont pour moi un vrai réconfort.
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Bilan très original qui donne envie d’en faire un également. Mille souhaits de bonheur pour 2016 !!!!!
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Merci ! Plein de bonheur à toi aussi !
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Bilan très bien fait et original ! =)
Je suis ravie de voir que la littérature peut soulever des montagnes et réussir à aider les gens…
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C’est fou n’est ce pas ? J’ai trouvé beaucoup de force dans les bouquins en 2015 et j’en suis la première étonnée.
Bonne année 2016 à toi aussi 🙂
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ps : je te souhaite une très belle année !
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Je découvre ton blog et ce très joli bilan en forme de voyage qui montre bien qu’on vit, à travers les livres, mille vies ! Je découvre aussi pas mal de goûts communs… Je te souhaite une belle année de lectures !
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Belle année de lectures à toi aussi, et bienvenue sur ce coin de pixels ! Vivre tout autant d’aventures qu’il y a de livres est une richesse incroyable et je me demande souvent pourquoi beaucoup se détournent de la lecture alors que c’est quasiment ce qu’il y a de mieux au monde 🙂
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Je suis entièrement d’accord avec toi !!
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Je trouve que pour apprécier la littérature contemporaine, il faut connaitre les classiques. Ils éclairent la création actuelle. Avant de lire une contemporaine étrangère, je lis souvent un classique de la même nationalité. Sans classiques en référence, à mes yeux la contemporaine est bien fade.
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Je ne suis pas forcément d’accord avec ce point, car il y a autant de différences dans les classiques que dans la création contemporaine. Wilde et Austen par exemple, ça n’a rien à voir…
Cela dit, pour repérer l’intertextualité et les échos d’un roman, oui, des classiques il faut en lire. Mais pas forcément en préparation systématique d’une lecture contemporaine.
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Pour apprécier la modernité de Wilde, il faut connaitre la plume classique de J. Austen selon moi! Certes sans, on apprécie quand même le roman mais je pense qu’on comprend moins pourquoi on a crié au génie quand Wilde est arrivé sur le devant de la scène. Et quand Joyce a publié, pourquoi Wilde est apparu classique! Bien entendu, on ne peut pas remonter à la nuit des temps avant chaque lecture mais il n’en reste pas moins intéressant selon moi de se plonger dans une littérature classique avant d’entamer une contemporaine. Quant à l’intertextualité, elle n’a de saveur que si on la comprend. Si on passe à côté, on laisse un pan de l’esthétique.
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C’est une vision des choses. Mais pour approfondir, il faudrait non seulement lire dans un ordre chronologique, mais aussi connaître l’histoire et la politique de chaque époque, de chaque pays, pour être parés face à toute nouvelle lecture. Et franchement, même si je me renseie un minimum parce que ça apporte à ma culture, je préfère que la lecture reste un plaisir et non un moment marqué par l’analyse géohistoricopoliticolittéraire de l’oeuvre. Je passe à côté de belles ficelles ? Tant pis, j’ai toute une vie pour me rattraper et construire les liens, à rebours, entre les auteurs et leurs écrits. Pour l’instant, je réserve la lecture de classiques aux cours, avec de brèves exceptions ici et là, lorsque le titre/résumé m’interpelle. Mais hors de question de m’imposer la lecture des classiques avant celle des contemporains, ou je capitule au bout de trois jours et je me barre dans une autre passion.
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Je ne la conçois pas comme une contrainte, c’est peut être la différence d’approche! Mais ce n’est pas aussi besogneux que le laisse sous entendre ta vision, je t’assure. Je ne m’avale pas toute la littérature jap’ pour comprendre un Murakami par exemple. Et puis ça me force à lire une autre littérature classique que la française, notamment celle du XIXème est vraiment très intéressante au niveau européen pour comprendre les différents Romantismes selon les pays.
Je change de sujet mais ta vitesse de lecture est impressionnante! Comme j’aimerais pouvoir lire autant!
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C’est vrai que je suis restée au principe selon laquelle un classique, c’est chiant (et pourtant non : quand j’en lis, j’apprécie beaucoup !). Je tente peu à peu de dépasser ce préjugé mais comme tu le vois, il y a du boulot haha 🙂
En ce moment, c’est vrai que je carbure pas mal au niveau de mes lectures, mais ce n’est pas toujours comme ça, je te rassure.
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