Bouquin #17 : Mon chien Stupide, de John Fante

[Mon chien Stupide – John Fante – 1982]

Ah, la magie des brocantes, des livres choisis au hasard car ils ne coûtent que cinquante centimes… c’est ainsi que Mon chien Stupide a fourré sa truffe dans les cases de ma bibliothèque, jusqu’à me suivre fidèlement en Angleterre. Après le pavé Americanah, je cherchais une lecture courte et décalée : il faut croire que j’ai eu du flair, puisque Mon chien Stupide, en cent-cinquante pages, allie ce qu’il faut d’humour, de dérision et de tendresse pour en faire un bon compagnon des jours d’été.

mon chien stupide john fante

Henry Molisse, le narrateur, présente toutes les caractéristiques d’un antihéros au ras des pâquerettes : écrivain raté de scénarios tombés dans l’oubli, fils d’immigrés italiens qui rêve de Rome comme d’un exil (d’où le titre original : West of Rome), il aime sa femme mais, après vingt-cinq ans de mariage, ne la supporte plus, et la réciproque se fait sentir dans leur villa de Point Dume, Californie. S’ajoutent au mélange quatre enfants ingrats sur le point de quitter le nid, mais heureux d’y revenir pour grappiller argent et nourriture, et un gros chien, au mufle d’ours, obsédé par ses compères mâles à qui il fait la cour de manière plutôt agressive : voici Stupide, brave clébard qui ne demande rien à personne, alter-ego de Molisse, en somme, car perdu lui aussi dans un tourbillon d’évènements qui s’enchaînent trop vite et sans préavis.

Bref, pour résumer ces quelques lignes en trois mots prosaïques : chez les Molisse, c’est le bordel. Tout et tous foutent le camp, et la courte histoire, démarrée sur les chapeaux de roue sur un asphalte d’humour grinçant, prendra un ton plus mélancolique au fur et à mesure des départs des quatre progénitures du foyer, lorsque Henry et son épouse Harriet se retrouvent face à face avec leur solitude, tant espérée et pourtant brutale, amère de nostalgie.

Je ne connaissais pas John Fante avant de me lancer dans Mon chien Stupide (une de ses œuvres mineures, le meilleur m’attend donc !), et, dès les premières lignes, le mordant de l’écriture m’a harponnée toute entière. Dialogues-mitraillette très bien calibrés, humour ironique mais jamais cynique sur un fond très touchant (le dénuement de l’âme lorsque la vie entame son coucher de soleil) : cette tranche de vie se verrait bien adaptée sur les planches (et ça a été le cas, à l’Auguste Théâtre). On passe un agréable moment à contempler la vie effilochée du pauvre Molisse, entre grands éclats de rire et petits pincements au cœur, le tout emmené par une plume alerte et saisissante.

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