Bouquin #22 : The Picture of Dorian Gray, d’Oscar Wilde

[Le portrait de Dorian Gray – Oscar Wilde – 1890]

C’était l’une de mes résolutions en débarquant au Royaume-Uni, il y a huit mois : profiter de mon séjour outre-Manche pour lire plus de classiques de la littérature anglophone. Si cette promesse s’est avérée peu prolifique jusque-là, The Picture of Dorian Gray s’est tout de même échoué sur les rivages de ma bibliothèque nomade, emporté par une vague de motivation. Et une conversation tenue il y a quelques jours avec mon amie Annabelle, groupie de feu Wilde, m’a poussée à lever le voile sur cette œuvre majeure et troublante, que le vice souille et que la honte sublime.

The Picture of Dorian Gray

Prenez un jeune homme à l’âme pure, aux pensées innocentes et à la beauté irrationnelle, appliquez-y le vice, et vous obtiendrez un corps couturé des cicatrices du pêché, pliant sous la main de la honte, les traits déformés par le plaisir du mal. Dorian Gray, dandy des rues londoniennes, semble cependant à l’abri de cette malédiction implacable : à l’aube de sa jeunesse, alors vierge de tout plaisir malsain, le jeune garçon fait le vœu naïf d’échanger la beauté éternelle de son portrait tout juste peint contre son destin d’humain au corps voué à recevoir les marques du temps et de la décadence.

Exalté par le discours libertaire de son ami Lord Henry Wotton, qui voit en son nouveau disciple la fraîcheur d’un esprit malléable à façonner pour l’amour du vice, Dorian Gray abandonne son habit d’innocence pour revêtir, peu à peu, d’erreurs en découvertes interdites, celui d’un diable à la beauté magnifiante. Car le quotidien vitriolé de l’homme à la jeunesse éternelle trouve son écho sur le portrait, dont les traits se durcissent et le regard devient féroce.

Il convient alors pour Dorian Gray de cacher cette maudite peinture, reflet de son âme vilaine : la toile, ainsi enfermée dans une pièce sombre de la demeure de Dorian Gray, devient alors une métaphore de la honte que tout un chacun, lorsqu’il y est confronté, tente d’enfouir au plus profond de soi sans pour autant parvenir à oublier ses traces amères.

Rongé par la culpabilité, Dorian Gray tentera alors le chemin de la repentance – en vain. Sous son masque de perfection, le monstre perdra maintes et maintes fois son âme, jusqu’à un final en apothéose, au climax de la folie, en face-à-face avec soi-même.

Si The Picture of Dorian Gray ne donne pas de morale – et pour cause, le train de vie de Wilde relevant plus du YOLO que du puritain – l’œuvre interroge néanmoins sur une question très actuelle : la transmission du vice, toujours encouragé par un tiers. Le premier joint crapoté par trois collégiens de 2015 revêt la même apparence que les belles paroles délivrées par Lord Henry, auquel Dorian Gray voue une admiration éblouie (qui n’est pas sans rappeler la relation entre le professeur et sa pupille dans La confusion des sentiments de Zweig, d’ailleurs).

Quelques longueurs ont un brin freiné ma lecture, autrement très instructive et carrément mortifiante : The Picture of Dorian Gray est un récit à lire absolument, car il donne à réfléchir et nous renvoie, lecteurs, à notre condition d’humains soumis à la passion, à l’influence de nos pairs et aux griffures du temps.

6 réflexions sur “Bouquin #22 : The Picture of Dorian Gray, d’Oscar Wilde

  1. J’avais beaucoup aimé cette oeuvre lorsque je l’ai lu l’année dernière, moi aussi sur conseil d’une grande fan de Wilde, et je suis totalement d’accord avec ce que tu dis sur le vice encouragé ou du moins stimuler par un tiers. J’avais aussi lu la BD, dans laquelle les longueurs sont gommées justement. C’est pas mal, mais à lire après l’oeuvre originale 🙂

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