Bouquin #95 : La succession, de Jean-Paul Dubois

[La succession – Jean-Paul Dubois – 2016]

Et c’est reparti pour une nouvelle édition du prix du Roman des étudiants, auquel je participe une fois encore en tant que jurée ! Mine de rien, pour moi qui ne suis pas tellement férue de littérature française, à laquelle je préfère nettement la production étrangère, ce prix présente un avantage : celui de me faire découvrir quelques auteurs contemporains bien ancrés dans le monde des lettres, mais desquels je n’ai – à quelques exceptions près – jamais entendu parler… sûrement par manque d’intérêt. Le mois de Novembre sera donc 100% bleu-blanc-rouge sur le blog, et l’on commence dès à présent avec La succession, de Jean-Paul Dubois.

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C’était… pas si mal. Style un poil agaçant – j’y reviendrai – mais histoire prenante et plutôt bien ficelée. Paul Katrakilis, (très) grand enfant, a exporté sa passion pour la pelote basque à Miami, où il touche trois francs six sous à tirer des balles de buis sur les frontons du Jaï-alaï local. Son père, médecin à Toulouse, décède. Un suicide, ou plutôt, un suicide de plus : la famille restreinte de Paul compte déjà trois disparus volontaires, trois absents aux morts étudiées : mère, oncle, grand-père.

Voici donc Paul catapulté outre-Atlantique à la faveur d’un retour au triste bercail dont jaillissent les souvenirs : l’occasion d’égrener les portraits en règle du cortège des suicidés, à grand renfort de loufoque – c’est à la mode – et d’appels à la grande Histoire.

Spyridon Katrakilis, le grand-père, a dérobé une lamelle du cerveau de Staline lors de son autopsie. Adrian Katrakilis, le père, se cuisinait innocemment une tranche de veau alors qu’Anna Galienni, la mère, mourrait à quelques mètres, dans un garage saturé de dioxydes. Jean-Paul Dubois fait dans l’humour grinçant, sature son récits de « détails qui tuent », jusqu’à grimer les personnages – morts y compris – en clichés ambulants. Soit. Cela fait sens au regard du style, tout aussi référencé et riche en vocabulaire d’initiés, en clins d’œil appuyés, en sentences insolites en-veux-tu-en-voilà, et avec lequel j’ai longuement bataillé… jusqu’à ce que le roman délaisse ses excentricités inutiles pour, enfin, gagner en profondeur – à l’image du héros propulsé tardivement hors de son éternelle adolescence.

La fin est belle – elle arrive seulement un chouïa trop tard : il y est question de cette succession, intime et morale, des non-dits du corps familial comme du médical, et de l’émancipation – hélas vouée à l’échec – d’un fils jamais lavé des souillures laissées là par les absents. Déchaussé de ses gros sabots, Jipé Dubois délaisse (enfin !) sa machine à LOL pour emmener son lecteur vers des dimensions plus sages, plus discrètes, plus humaines, jusqu’aux derniers mots qui offrent un brillant point d’orgue à ce roman qui pourtant commençait sur de bien mauvaises notes…

Toutes mes lectures pour le Prix #RDE sont recensées ici !

16 réflexions sur “Bouquin #95 : La succession, de Jean-Paul Dubois

  1. Je suis tout à fait d’accord avec le commentaire de la personne précédente ! Très belle chronique. J’ai lu un seul livre de JP Dubois (Une vie française) qui m’avait bien plu. Le côté loufoque n’est pas pour moi non plus ! Au passage, félicitations pour avoir été retenue dans le jury.

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  2. Je te laisse voir, mais en tant que lecteur de ton blog, je suis plutôt ravi que tu t’intéresses moins à la production littéraire actuelle, ce qui nous permet de faire de belles découvertes !

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    1. La sélection ne m’inspire pas tellement aussi, mais je me suis inscrite avant qu’elle soit annoncée :). Quoi que, je fais quand même de belles découvertes, en ce moment je lis 14juillet d’Eric Vuillard et j’aime beaucoup !

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  3. C’est super d’être jurée, je viens de vivre cette expérience avec la sélection polars chez Points. Bonnes lectures alors ! De Dubois, j’ai lu « le cas Sneijder » dernièrement et j’ai bien aimé ce mélange d’humour et de désespoir…

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