Bouquin #64 : Le pied de Fumiko, de Junchirô Tanizaki

[Le pied de Fumiko et La complainte de la sirène – Jurichirô Tanizaki – 1917 et 1919]

Lorsque me prend une envie de douceur et de poésie, je me tourne instinctivement vers la littérature est-asiatique, que je connais pourtant très, très (très, très, très) mal. Et cette association géographiquement hasardeuse – et très imprécise – entre la prose du Levant et l’apaisement de son lecteur fonctionne à coup sûr ! C’est ainsi que j’ai abordé pour la première fois l’œuvre de Tanizaki, à travers deux écrits de jeunesse nageant dans les eaux troubles du désir et de l’amour…

64 Le pied de fumiko

Très courtes – une cinquantaine de pages chacune, les nouvelles présentées resplendissent pourtant par une beauté pure, dont l’authenticité naît de la narration simple, limpide, que l’on dirait presque drapée des atours du conte. A travers une écriture sensuelle et touchante, le poète sublime la Femme, sa muse éternelle, et dévoile des instants de désir qui conduiront les protagonistes au plus profond des chagrins, à la plus féroce des folies. Et puisque l’amour est invincible et traverse les frontières, j’ai parfois pensé, en savourant les phrases de Tanizaki, à la justesse des mots de Zweig : ce rapprochement des plumes ne peut qu’être gage de qualité.

La complainte de la sirène

C’est l’histoire d’une rencontre poignante et fatidique, celle de deux êtres captifs de leurs propres prisons : il y a le prince, riche et oisif, égaré dans un monde de plaisirs dont il se lasse, et la sirène, valeur marchande exhibée aux quatre coins du monde derrière les vitres de son aquarium. Pour combler le vide de son existence, le jeune homme fortuné acquiert la prisonnière marine, et un amour impossible croit entre les deux êtres, cependant voués à une séparation inévitable…

Le pied de Fumiko

Cette nouvelle a de quoi surprendre, par l’originalité de son sujet : il y est question du pied, et de l’amour – fétichiste – éprouvé pour le peton mignard d’une jeune geisha, Fumiko. Dans cette vénération peu commune, deux hommes se retrouvent : l’un est au seuil de la mort, l’autre tente de peindre la splendeur inouïe du pied nu. Absolument magnifique dans ses descriptions, cette nouvelle livre, au-delà d’une anatomie restreinte, une véritable ode à la beauté féminine : ce texte m’a énormément touchée, et j’ai trouvé, dans les mots de Tanizaki, une grâce absolue, qui m’a parfaitement convaincue de fouiner plus loin dans l’œuvre de l’écrivain.

« La blancheur du pied s’irisait de rose aux extrémités des orteils bordés de rouge pâle. Cela me rappelait les desserts de l’été, les fraises au lait, la couleur du fruit fondant dans le liquide blanc ; c’est cette couleur-là qui courait le long de la courbure des pieds d’O-Fumi-san. »

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