[Bonjour tristesse – Françoise Sagan – 1954]
C’est culte, il « fallait » le lire, je l’ai lu. Et puis ? Un flottement étrange, comme si je n’avais pas bien compris. Pourquoi un tel tintamarre autour de ce roman, ces louanges sur l’écriture, cette admiration collective vouée à l’audacieuse Sagan ? Peut-être m’aurait fallu avoir 17 ans en 1954… ou 17 ans tout court. Mais l’histoire, bien que plaisante, a coulé sur moi comme une soie tiède : peu de consistance, donc peu de dérangement, et un souvenir qui déjà s’estompe…
Il y a pourtant du talent, c’est indéniable, derrière le « charmant petit monstre » d’à peine 18 ans, propulsé dans le grand monde littéraire grâce au succès fou de Bonjour tristesse au printemps 1954. La plume est simple, d’une richesse toute mesurée et possède ce je-ne-sais-quoi de futé et de lucide qui dévoile un génie espiègle au caractère affirmé. Encore faudrait-il que l’histoire s’illustre dans la même perspective enthousiaste… car, malgré mes efforts, rien dans le récit n’a su accrocher mon attention et les aventures estivales de Cécile, au seuil de sa vie d’adulte, m’ont très vite lassée.
C’est l’été, c’est la mer, la fête, le sable chaud et les premières amours. C’est aussi l’arrivée d’une énième femme dans la vie du père : une femme droite et discrète que l’on admire autant qu’on la craint, et qui menace, par son autorité et son appétit pour la discipline, de grands rêves insouciants et une idylle avec le beau pêcheur du coin.
Entre la belle villa et la Méditerranée, l’adolescente découvre, observe, s’interroge. Plutôt fine d’esprit, peu avare de bagou, Cécile est attachante, et le personnage donne naissance à des réflexions introspectives – sur la femme, l’adulte, l’amour – très réfléchies et plutôt matures. Mais il arrive parfois – c’est l’âge, diront certains – que la jeune fille bouillonne, et le discours se détraque : l’auteur nous sert alors un bavardage capricieux et tapant du pied, jusqu’à une surdose de naïveté. Ajoutez à cela les grands élans d’un amour nouveau-né, et Bonjour tristesse prend des airs de mélodrame un peu trop sucré, qui en vient à éclipser la fin tragique et surprenante. Dommage.
Cette lecture m’a donc plus agacée que véritablement plu, malgré quelques moments de grâce qui sauvent le propos de l’écueil de la mièvrerie. Je pense cependant que j’aurais aimé lire ce roman à 15 ou 17 ans : je me serais alors identifiée à la narratrice, en aurait fait une complice dans l’attente des grands jours de l’âge adulte. Bonjour tristesse a donc débarqué un brin trop tard dans mon parcours littéraire, mais je ne le déconseille pas pour autant : il n’y a rien de mauvais dans ce roman, simplement une trame assez inégale, qui représente surement très bien l’instabilité des jeunes années de découverte (je me rappelle du capharnaüm de mes 18 ans, il n’y a pas très longtemps), mais dont on se fatigue trop rapidement.
Avis très intéressant et vraiment très bien écrit. Je n’ai jamais su non plus pourquoi on avait porté aux nues ce récit qui à mon sens ne se démarque pas. J’ai dû le lire 10 ans trop tard aussi!
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Ne t’en fais pas je n’ai pas compris non plus l’engouement autour de ce roman, et pourtant je l’ai lu à l’âge de 17/ 18 ans donc le même âge que Cécile, comme quoi.. Et effectivement, comme toi, j’avais été un poil agacée. Je le relirai peut être un jour cela dit. En tout cas, comme toujours, je suis en admiration devant tes lignes, tu écris très bien 🙂
Anne
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Merci ! Certains m’ont dit que le roman avait mal vieilli, c’est sans doute pour ça…
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Je ne l’ai pas lu, puisque ma grand-mère m’a donné une vieille édition de ‘Aimez-vous Brahms », que j’ai lâchement abandonné ! Sauf, que j’y pense de temps en temps… il y a de fortes chances que je réessaies, et que je laisse – surtout – une nouvelle chance à Sagan.
Très jolie chronique, je confirme !
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Amen.
Outre que c’est un peu adolescent, ce qui, comme tu le dis, n’est pas un désavantage si on le lit au bon âge, c’est aussi intensément superficiel. Autre chose qui m’a gênée et qu’on retrouve par exemple chez Begbeider, c’est ce goût du « décrire des riches qui s’ennuient » comme si c’était une fin artistique en soi.
Ta chronique est très agréable à lire et très fine, thanks a lot ! *pouce vers le haut*
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Merci 🙂 exact, c’est peut être aussi ce côté un peu trop superficiel qui m’a empêché d’accrocher à l’histoire…
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Moi, j’avais adoré et l’adaptation cinématographique aussi…
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Il me semble qu’aujourd’hui, Bonjour Tristesse est davantage diffusé dans le circuit de la littérature jeunesse, avec les collégiens pour cible. Je n’ai jamais lu ce roman, d’ailleurs je ne suis jamais parvenue à avoir envie de lire Sagan. C’est dommage, car c’est l’un des rares écrivains féminins médiatisés a en France.En tout cas merci pour ton avis, qui me confirme que ce roman est définitivement un rendez-vous manqué pour moi !
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Avec plaisir. Je constate aussi, sur internet, qu’il est énormément vendu et apprécié à l’étranger et surtout dans les pays anglosaxons (la french literature, c’est « so lovely » et Sagan n’échappe pas à la règle).
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Cette tendance a également peut-être un lien avec le film d’Otto Preminger, où Cécile est incarnée par la merveilleuse Jean Seberg.
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Alors moi, je l’ai relu il y a peu et j’adoré ! Sans doute parce que j’ai l’âge qui va bien pour le recul nécessaire, celui des parents …
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J’aimerai bien lire l’auteur au moins une fois dans ma vie =)
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