Bouquin #48 : Envoyée spéciale, de Jean Echenoz

[Envoyée spéciale – Jean Echenoz – 2016]

Attention, dose massive de loufoque à l’horizon. Voici un roman de la rentrée littéraire de janvier qui dépote et roule pleins gaz sur le fil du rocambolesque et de l’absurde. Si d’habitude je ne suis pas tout à fait friande des histoires vendues pour leur surcharge humoristique, celle-ci fait exception : Envoyée spéciale m’a ravie, et tenue en haleine sur ses trois-cent pages d’aventures endiablées, menées tant bien que mal par une belle brochette d’anti-héros depuis le fin fond de la Creuse jusqu’au yacht de Kim Jong-un…

48 Envoyée spéciale

« Constance étant oisive, on va lui trouver de quoi s’occuper », prévient le résumé. En un adjectif, voici tracé le portrait de notre héroïne jolie mais un peu cruche, pivot central de péripéties auxquelles elle prend part de bon cœur, bien que n’y comprenant pas grand-chose. Kidnappée à Paris, Constance est envoyée dans la Creuse pour y être préparée à une mission de taille : séduire un haut-gradé nord-coréen en vue de lui soutirer de précieuses informations pour l’Occident. A ses côtés, une poignée de compagnons un peu trop débonnaires, parfaits ingrédients pour pimenter une histoire qui ne manque déjà pas de périlleux.

Drôle d’équipée que celle ainsi modelée par Echenoz, qui écorche ses personnages et les cuisine à toutes les sauces – surtout celle de la dérision. On ne se lasse pas de rire de ces pauvres âmes nées d’une plume féroce et brinquebalées ici et là comme des pantins grotesques : un ancien chanteur de variété désœuvré mais toujours actif de la braguette, un commanditaire hargneux au Q.I. proche du négatif, et notre Constance, marionnette heureuse et peu soupçonneuse évoluant en reine parmi les bras-cassés…

Le récit est à la mesure de ses principaux acteurs : improbable et absolument burlesque. Pourtant, on ne peut s’empêcher d’y croire, à cette aventure cousue de fil blanc (et très épais). Ne cherchez pas de réalisme, ne vous penchez pas trop non plus sur le contexte géopolitique : ce pastiche de roman d’espionnage se moque de tous les codes et l’auteur balade sa bande de guignols où bon lui plait, pour notre plus grand plaisir.

Malgré une fin un poil trop rapide à mon goût, Envoyée spéciale se dévore avec enthousiasme, et offre un moment agréable où il fait bon, pour une fois, de rire de l’autre, caricature de papier et de mots.

Retrouvez ici mes lectures pour le Prix du roman des étudiants 2016.

13 réflexions sur “Bouquin #48 : Envoyée spéciale, de Jean Echenoz

  1. J’aime beaucoup ton style littéraire, et j’ai adoré Envoyée Spéciale (qui est également mon premier Échenoz), alors hop, je m’abonne.

    Pour info, apparemment, le style humoristique digressif, pas si étranger à celui d’un Chevillard (love) que l’on rencontre dans Envoyée Spéciale est apparemment plutôt inhabituel d’Échenoz, qui tend plus vers la sobriété. (L’émotion dans la sobriété, c’est ainsi qu’on me l’a plusieurs fois décrit, alors même qu’il navigue de pastiche en pastiche, de la biographie au roman de guerre, etc.)
    Quoi qu’il en soit j’ai TELLEMENT RI, ah, quel plaisir, et surtout porté par une telle qualité littéraire et un tel goût de l’absurde.

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    1. J’ai également plusieurs fois ri aux éclats, ce qui fait vraiment du bien en littérature. Je n’avais pas plus entendu parler d’Echenoz que cela, alors merci de tes indications. Quoi qu’il en soit, pour un écrivain peu habitué au style humoristique, il assure !

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  2. Je le voyais un peu partout dans les médias et son résumé m’avait intriguée. Après avoir lu ton avis, c’est obligé, je le note dans ma liste des livres à lire. J’adore cet humour que tu décris, ces situations loufoques qui font rire aux éclats.

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  3. J’ai beaucoup ri moi aussi à la lecture d' »Envoyée spéciale « , et me suis aussi creusé la tête pour tenter de reconstituer l’histoire et surtout les liens entre les personnages (j’ai même fait un schéma !) . Un excellent divertissement !

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